Plusieurs entités de pays comme la Chine, la Russie, l'Inde, le Nigeria et l'Algérie abandonnent actuellement le dollar américain dans les accords commerciaux internationaux. Le "conflit" invisible entre la Chine et l'Occident, pousse de plus en plus de pays à vouloir commercer dans leur propre monnaie. Le Brésil, le plus grand pays de l'hémisphère occidental, a conclu récemment un accord commercial avec la Chine. Ils vont désormais faire du commerce dans leur propre monnaie. Une économie secondaire est en train d’être créée dans le monde totalement indépendante des USA.
Depuis 1944, la position privilégiée du dollar a donné aux États-Unis une influence disproportionnée sur les autres économies dont les pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Le dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, arrive aujourd’hui à sa fin. Selon les données du Fonds monétaire international (FMI) sur la composition en devises des réserves officielles de change, la part du dollar dans les réserves de change mondiales a déjà fortement chuté. Fin 2022, la monnaie américaine comptait pour 58% des réserves de change, contre 71% en 1999. Fait intéressant a noter, les pays n'ont pas adopté la livre sterling britannique, l'euro ou le yen japonais en remplacement, (1/4) un quart des transactions s'est déplacées vers le renminbi chinois (yuan) – et les (3/4) trois quarts restant, vers les devises de pays plus petits qui avaient eu un rôle limité dans le passé en tant que monnaies de réserve.
En 2014, les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont commencé à formuler un plan pour se détacher du dollar américain, en mettant en place une monnaie qui pourrait être utilisée entre les pays de BRICS. En mars 2023, le président russe a déclaré « qu'environ les (2/3) deux tiers du commerce entre la Russie et la Chine utilisaient déjà le yuan et le rouble russe et qu'il était favorable à l'utilisation du yuan lors des échanges avec les pays asiatiques, africains et latino-américains ». A noter que la Chine et le Brésil ont signé un accord historique entre eux afin d’utiliser le yuan pour le commerce mutuel.
En ce moment, de nombreux pays étudient différentes alternatives car la valeur montante du dollar américain paralyse leurs économies et contribue à la hausse du coût de la vie, la roupie indienne a chuté de près de 10 % en 2023 par rapport au dollar, la livre égyptienne de 20 % et la lire en Turquie (où les prix ont plus que doublé) a chuté de 28 %.
Le coût de la convertibilité des devises avec le dollar américain dans les échanges entre les pays africains est proche de 5 milliards de dollars par an et le rôle décroissant du dollar américain dans le commerce international a encouragé les nations africaines à prendre des mesures pour se libérer de l'influence américaine en renforçant leurs propres devises nationales ou en travaillant sur de nouvelles devises qui seraient utilisées pour le commerce sur le continent. Par exemple, la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), comprenant le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda et le Soudan du Sud, travaille sur une monnaie régionale appelée le shilling est-africain (l'agriculture étant le principal moteur de ces économies avec le secteur des services contribuant le plus au PIB). La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) envisage également de créer une monnaie commune. La SADC regroupe en son sein seize pays de l'Afrique australe et de l'océan Indien : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Seychelles, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Comores. 5 d'entre eux sont francophones.
En 2021, La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF/ AFCFTA) est entrée en opération, plus de 54 pays africains ont signé cet accord. (ZLECAF/ AFCFTA), a appelé les membres à négocier dans les devises africaines locales. S'exprimant fin mars, un responsable de (ZLECAF/ AFCFTA) a déclaré que le bloc travaillait sur un système panafricain de paiement et de règlement pour permettre aux devises locales d'être utilisées dans les échanges entre les pays du continent.
En raison de la récente crise euro/dollar qui a affecté le Franc CFA, le bloc CEMAC, qui compte parmi ses membres le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République du Congo et la Guinée équatoriale, a annoncé qu'il cesserait d'utiliser le franc CFA (FCFA), optant pour un changement complet de nom.
Le commerce transfrontalier entre les pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (ECOWAS/ CEDEAO) se fait déjà grâce à l'utilisation des monnaies locales. Le 21 décembre 2019, les chefs d’État des 15 pays de la région de la (ECOWAS/ CEDEAO) ont adopté le symbole de l’ECO – « EC » pour la future monnaie de l'Afrique de l'Ouest. Le lancement de cette nouvelle monnaie unique est prévu pour 2027 (Le 20 mai 2020, le Conseil des ministres français a adopté un projet de loi qui entérine la fin du franc CFA. La Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ne sera plus obligée de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor public français).
D'autres blocs régionaux, y compris la Communauté de l'Afrique de l'Est sont en pourparlers avec la Banque africaine d'import-export afin de rejoindre ce mouvement. La Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), composée de six pays, envisage également de se joindre à l'Afrique de l'Ouest pour créer une monnaie régionale commune (l’ECO).
En 2013, les dirigeants africains, sous l'égide de l'Union africaine (UA), se sont mis d'accord sur un plan pour relever les innombrables défis auxquels le continent est confronté. Ce plan a été baptisé "Agenda 2063", il définit une vision, entre autres, pour mettre fin aux guerres sur le continent, développer les infrastructures et permettre la liberté de mouvement sur le continent.
Les Projets phares de l'Agenda 2063 sont :
· Relier toutes les capitales et les centres économiques africains par un réseau de trains à grande vitesse.
· Accélérer le commerce intra-africain et renforcer la position commerciale de l'Afrique sur le marché mondial.
· Le développement du barrage d'Inga en RD Congo pour produire 43 200 MW d'électricité.
· Supprimer les restrictions imposées aux Africains pour voyager, travailler et vivre sur leur propre continent.
· Mettre fin à toutes les guerres, aux conflits civils, à la violence fondée sur le sexe, aux conflits violents et prévenir les génocides.
· Création d'un marché unique africain du transport aérien (Saatm).
· Renforcer l'industrie spatiale africaine.
· Créer une université virtuelle et électronique africaine.
· Développer une encyclopédie africaine (encyclopaedia Africana) pour fournir une ressource faisant autorité sur l'histoire authentique de l'Afrique et de la vie africaine.
En 2023, à la suite d’une pénurie croissante de dollars dans le pays, le Kenya, a signé un accord avec trois compagnies pétrolières internationales afin de leur permettre d'acheter du pétrole en shilling kenyan plutôt qu'en dollars américains. Ceci a fait économiser au pays 500 millions de dollars (66,8 milliards de KSh) chaque mois en achetant le carburant de cette manière.
Pour promouvoir le commerce avec les États africains sans avoir recours au dollar ou à l'euro, l’Iran a proposé une banque commune. En 2022, le commerce entre l'Iran et l'Afrique s'élevait à près d'un milliard de dollars. Dans le même ordre d’idée, la Reserve Bank of India (RBI) en 2022, a accordé 60 autorisations et a invité les banques centrales de 18 pays dont le Botswana, les Fidji, l’Allemagne, la Guyane, Israël, le Kenya, la Malaisie, l’île Maurice, le Myanmar, la Nouvelle-Zélande, Oman, la Russie, les Seychelles, Singapour, le Sri Lanka, la Tanzanie, l’Ouganda et le Royaume-Uni à ouvrir des comptes Vostro Rupee (Special Vostro Rupee Accounts – SVRA), afin d'effectuer des transactions avec elles en roupies indiennes au lieu de dollars américains.
Bien que de nombreux pays africains soient sur la bonne voie pour abandonner le dollar, ils ont du rattrapage à faire avec d'autres nations qui sont plus loin sur cette voie.
En Mars 2023, le Brésil, la plus grande économie d'Amérique du Sud et le géant économique qui est la Chine vont commercer dorénavant dans leurs propres monnaies : en réal brésilien et en yuan. Plus de place au dollar. Durant la même période, les banques centrales de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), comprenant, Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam, ont discuté de l'abandon du dollar américain, de l'euro, du yen et de la livre sterling, et d'utiliser les monnaies locales pour commercer entre eux (selon le FMI, le PIB combiné de l’ANASE est d'environ 3,9 billions de dollars,).
Le moyen Orient emboite le pas, avec l'Arabie saoudite en début 2023, qui a avisé que le pays, allié des Américains et plus gros exportateur de pétrole au monde, qu'elle était ouverte aux discussions sur le commerce des devises autres que le dollar américain. La France, elle aussi, pourrait pourrait prendre de la distance au dollar (en Avril 2023, le président Français, suite a sa rencontre avec le dirigeant chinois Xi Jinping a déclaré que l'Europe devait réduire sa dépendance à l'égard de ce qu'il a appelé "l'extraterritorialité du dollar américain".
En novembre 2022, le gouvernement du Ghana déclarait que le pays courait un risque élevé de surendettement car sa monnaie, le cedi, s'était dépréciée par rapport au dollar américain, augmentant sa dette extérieure de 6 milliards de dollars cette année seulement. Le Ghana travaille sur une nouvelle politique, pour acheter du pétrole avec de l'or plutôt qu'avec des dollars américains dans le cadre des mesures gouvernementales visant à renforcer le cedi (Le Ghana achèterait de l'or localement avec des cedis par l'intermédiaire de la Banque du Ghana, puis échangerait l'or contre du carburant (pétrole) sous forme de troc avec les Émirats arabes unis par exemple).
Il y a encore beaucoup trop d'obstacles pour qu'une crypto-monnaie devienne bientôt la monnaie mondiale, mais dans de nombreux pays, en particulier les pays africains et sud-américains, les crypto-monnaies constituent un véritable concurrent à la fois pour le dollar et les monnaies locales.
En Afrique, par exemple, 1,4 million de consommateurs utilisent Yellow Card qui offre une expérience similaire à Blocks Cash App. C'est le plus grand échange de crypto-monnaie centralisé en Afrique et c'est une bouée de sauvetage pour beaucoup de ceux qui n'ont pas accès à d'autres devises acceptables avec lesquelles échanger.
Les clients de la carte jaune peuvent recevoir de la crypto-monnaie de n'importe où dans le monde et ne payer que des frais de réseau compris entre cinq cents et 1 $, ce qui en fait un concurrent crédible de Western Union ou de Money Gram. C'est une aide considérable pour de nombreux Africains, qui dépendent de l'argent envoyé de l'étranger.
Les dernières données de la Banque mondiale montrent qu'en Afrique subsaharienne, jusqu'à 65 % des adultes n'ont pas accès à une banque formelle.
Pendant ce temps, il est plus coûteux d'envoyer de l'argent vers les pays de cette région que vers toute autre partie du monde. En moyenne, il en coûte 15,60 dollars (7,8 %) pour envoyer 200 dollars vers ou depuis l'Afrique en utilisant le secteur bancaire traditionnel, et peut atteindre 38 dollars ou 19 % dans certains pays.
En avril 2023, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki a déclaré que de nombreux pays envisagent des alternatives au dollar pour éviter l’impact des sanctions américaines, un changement de perspective historique motivé par un désir mondial de ne pas être soumis au pouvoir américain par le biais de sa monnaie.
Aussi, les récents bouleversements économiques ont renforcé les critiques à l’égard du rôle du dollar. Les mesures prises par la Fed pour augmenter les taux d’intérêt afin de maîtriser l’inflation ont conduit au renforcement du billet vert par rapport aux devises des marchés émergents. Cela représente un double problème pour les économies mondiales qui détiennent et contractent des dettes libellées en dollars. Des taux d’intérêt américains plus élevés ont tendance à augmenter la valeur relative du dollar sur les marchés des changes. Le coût des dettes des pays augmente, car il faut plus de monnaie locale pour rembourser chaque dollar de dette. Cela piège les pays dans une boucle d’obligation financière.
En parallèle, les changements dans les alliances géopolitiques prennent de l’ampleur alors que la rivalité entre les États-Unis et la Chine s’intensifie. Une série de mesures prises par le bloc des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud remet en question la domination du dollar américain. Les membres du BRICS, avec un excédent commercial de 387 milliards $ en 2022, l’accumulation de réserves d’or substantielles et représentant 40 % de la population mondiale et un tiers de la production économique mondiale estiment qu’une nouvelle monnaie pourrait rationaliser les transactions, actuellement entravées par les conversions de devises et les coûts associés et de ce fait, entraînerait un déclin progressif de la domination du dollar.
Il semble que nous nous dirigeons vers une situation de monnaie de réserve multipolaire où les monnaies nationales, les nouvelles monnaies et les crypto-monnaies prendrons le pas face au dollar.
Le 22 juillet 1944, lors des accords économiques dessinant les grandes lignes du système financier international de l'après-Seconde Guerre mondiale, l’Afrique a été largement ignorée. (60) soixante ans après, alors que le monde occidental est confronté au déclin démographique, l’Afrique est en plein essor, débordante d’une population jeune et de plus en plus technophile et occupe enfin, le devant de la scène internationale.